Ayche Nour Zarakolu
Demain, dès l’aube, nous aurons une pensée pour Ayche Nour Zarakolu, décédée le 28 janvier2002 à l’hôpital de la Faculté de Médecine d’Istanbul, à l’âge de 56 ans.

Madame Zarakolu avait fondé en 1977, à Istanbul, avec son mari, une maison d’édition « Belge » (non pas belge, mais qui se prononce ‘Belgué’en turc et signifie « document ») En effet, Ayche Nour Zarakolu avait décidé de publier des livres sur les plaies ouvertes de la Turquie : les Droits de l’Homme violés, le génocide arménien de 1915, la question kurde, la mafia etc…tout cela basé sur des documents irréfutables. Ces sujets étant tabou en Turquie, elle avait été à plusieurs reprises emprisonnée.

Interrogée par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme sur les motifs de sa démarche, elle avait déclaré : « Il n’y a rien de pire que l’oubli et le silence .Je donnerai toujours la parole à ceux qui nous obligent à regarder notre pays et son histoire en face, à connaître la vérité pour que les choses changent. Je sais qu’aujourd’hui il faut payer ce travail de mémoire par des jours de prison, mais l’important, c’est que les livres existent, que les gens les lisent. » Elle était fière d’avoir réussi à gagner quelques affaires, à être relaxée.

Demain, nous penserons à celle que les Arméniens appelaient « La Mère Courage », à celle qui espérait que les choses finiraient par changer, à celle que rien n’arrêtait ,et que les jours et les mois de prison ne suffisaient pas à faire taire.

Nous penserons aussi à son mari et ses fils, car nous savons qu’à partir du jour où nous perdons un être cher, la vie est coupée en deux, il y a un avant et un après.

Ce ne sont pas seulement les intellectuels, mais tout le peuple turc qui devraient être fiers de compter parmi eux une femme aussi vaillante et sublime, prête à sacrifier sa liberté et sa santé et même sa vie, pour l’honneur de son pays.

De telles personnes sont les flambeaux de l’humanité.

Louise Kiffer
27 janvier 2004