Réflexions sur la situation des conscrits de l'armée russe

Un article d'Anna Lebedev sur le site http://www.pipss.org a retenu mon attention sur les mauvais traitements subis par des soldats de l'armée russe. Cette étude s'intitule " Dodevshchina et violence sociale : L'épreuve du réel "

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De milliers de lettres, émanant du Comité des Mères de Soldats sont adressées à Moscou. Ces lettres traduisent le désarroi dans lequel se trouvent les mères de soldats.

D'abord, elles éprouvent un sentiment d'injustice : les riches peuvent payer à leurs fils l'exemption du service militaire, soit par des pots de vin aux fonctionnaires, ou aux médecins, ou toute autre combine.
Elles constatent que ce sont les plus défavorisés qui font leur service militaire, les pauvres, ceux qui ne connaissent pas leurs droits.
Autrefois on qualifiait l'Armée Rouge d' Armée de paysans et d'ouvriers pour montrer qu'ils étaient près du peuple, mais ce n'est plus un sujet de fierté aujourd'hui. Les nouveaux Russes sont devenus arrogants. C'est le capitalisme, disent les responsables.

Les mères, quand elles ont les moyens d'aller rendre visite à leurs fils, sont effarées de voir l'état dans lequel elles les trouvent. Ceux-ci souvent n'osaient rien dire, par crainte d'être encore plus brimés, battus, voire torturés, tués même. Elles les trouvent affaiblis, maigris, sales, couverts de cicatrices et n'arrivent pas à connaître les auteurs de ces mauvais traitements. Elles écrivent
que les commandant boivent, laissent faire les sergents, qui abusent de leur pouvoir. Elles-mêmes ont peur de faire du tort à leurs fils en précisant le lieu où ils se trouvent.

Elles justifient leur point de vue concernant le service militaire , qui est censé faire de leurs fils des hommes, forts, endurants, disciplinés, virils. Ils ne seront plus des " petits garçons de leur maman ". Elles ont cru bien faire en les envoyant à l'armée. Certains ne travaillaient pas, à l'armée en principe ils apprennent un métier. Et qui va défendre la Patrie sinon ?

Toutes ces lettres montrent l'inhumanité de l'armée : manque de soins, extorsion d'argent, de linge, de gâteries, de cigarettes, de tout ce que la mère avait remis avec amour à son enfant. Certaines parlent même de véritables camps de concentration. Je n'ai pas vu la pièce russe " Comment j'ai mangé du chien " mais rien que le titre m'écoeure.

Et soudain, une pensée m'effleure : Qu'en est-il des Arméniens de Russie ? J'ai lu que dans certaines régions ils étaient détestés, humiliés en permanence.

Une autre question : ET EN ARMENIE , comment se passe le service militaire ? Amnesty International s'occupe surtout des prisonniers, je n'ai pas l'impression qu'ils s'inquiètent de ce qui se passe dans l'armée.

Y a-t-il aussi des Comités de mères de soldats ? Les mères arméniennes, si dévouées... Quand je fais la salade pour mes enfants, je leur donne le coeur, ce qu'il y a de plus tendre, et là-bas, on les bat peut-être, ce serait affreux.

Pourquoi tant de jeunes ont quitté le pays pour ne pas faire leur service militaire ? Est-ce vrai qu'en 2003 l'armée arménienne a envoyé 64 cadavres aux parents ? Ils se sont suicidés peut-être, qui sait ? A force de subir des brutalités, des viols, des brimades, des bastonnades... on n'a plus envie de vivre, je comprends ça.

Je comprends aussi que personne n'osera répondre, au risque de passer pour un traître à la patrie. Toute vérité n'est pas bonne à dire.

Alors les choses resteront telles qu'elles sont, rien ne changera. Les Droits de l'Homme continueront à être bafoués.

Moi qui aurait tant voulu apporter de bonnes nouvelles !

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Louise Kiffer